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Pas d’erreur possible, on est bien en France



Chère Mennel, il faut les comprendre, ils avaient besoin d’un os à ronger. Et c’est tombé sur toi. La fachosphère française s’est bien astiquée pendant quelques jours, et tu as finalement jeté l’éponge ce matin en annonçant ton retrait de The Voice. Tu sais, tout cela n’est pas si grave. Personne ne s’en souviendra dans vingt ans. Ni de l’émission, ni de la polémique. Ne t’en fais pas, dans la vie tout s'arrange. Y a jamais de vraies raisons de se biler, comme disait l'autre. C’était pourtant une belle idée que de chanter Hallelujah de Cohen, en anglais et en arabe. Question voix, c’est une question de goût, moi ça ne me parle pas car j’ai l’impression que toutes les candidates chantent comme Gad Elmaleh. Mais c’était une belle idée.

Ils étaient bien insupportables tous ces pères-la-morale à te clouer au pilori au début de la semaine. La palme de la bêtise crasse reviendra sans aucun doute à Isabelle Morini-Bosc (Allah est grand, je n’avais pas eu vent de son existence avant cette semaine, pas plus que de la tienne d’ailleurs), avec cette sortie mémorable: «Chanter en arabe, par les temps qui courent, ça ne s’imposait pas nécessairement.» Incroyable de dire un truc pareil. Qu’elle se fasse virer de l’émission à laquelle elle participe elle aussi, puisque c’est l’horrible sentence à laquelle ces «journalistes» t’avaient condamné. Exit du PAF, mort médiatique. La pire des choses qui puissent arriver de nos jours, j’ai l’impression. Associer les gens qui parlent cette magnifique langue qu’est la langue arabe avec des lopettes qui posent des bombent: c’est incroyable d’être aussi conne, mais c’est la France, que veux-tu. Je suis prêt à parier qu’ils étaient nombreux à penser tout bas la même chose. La France est un pays de droite, et le plus moche dans tout ça, c’est que la conjoncture est mauvaise pour nous tous. On a vraiment la droite la plus cruche du monde pour croire qu’elle va sortir grandie d’avoir élu l’Auvergnat à parka rouge. Il n’y a pas plus rétrograde que Wauquiez, et il va quand même falloir se le coltiner au JT de 20 heures (pour ceux qui regardent encore la télé). Tu sais, c’est le nigaud un peu populiste qui demandait en 2015 de coller les 4000 fichiers S en prison. De manière préventive. Le plus sérieusement du monde. Droit dans ses bottes.

Je suis désolé pour toi, j’espère juste que tu n’as pas perdu ton sourire, puisque c’est ce que veut dire ton nom. Ils t’ont attaqué, violemment. Mais quoi? As-tu un doctorat en géopolitique? Un master en théologie? Je ne crois pas. Dire des conneries à ton âge – aussi énormes soient-elles – fait partie de la panoplie des 20 ans et puis c’est tout. On est tous passés par là. Le seul hic, c’est que contrairement aux décennies précédentes, tout reste là, en suspens, sur la toile. Faut garder ça dans un coin de la tête. Faut donc comprendre que tes tweets aient pu choquer. J’étais à Nice en août 2016, un mois après le carnage. Si l’une de mes filles avait été fauchée sur la «Prom», je t’aurais forcément dans le collimateur. C’est humain.

Maintenant, le problème, c’est qu’il faut aussi arrêter de déconner. Déconner, toujours déconner… Y’en a marre de déconner! Vraiment, du fond du cœur, faut arrêter de se foutre de la gueule du monde avec le laïus sur le «turban», accessoire de mode comme les lunettes de Maître Gims… Je me permets ici un parallèle avec Polnareff et ses lunettes blanches, ça parlera davantage aux anciens. Sérieusement? Tu penses vraiment ce que tu dis? Vraiment? Faire passer ça pour du modernisme dans la façon de vivre sa religion, cela va bien au-delà du foutage de gueule. C’est con et limite criminel. Ton livre ne te demande pas de te couvrir la tête. C’est une in(ter)vention récente. Masculine. Cléricale. Insupportable.

Je me souviens d’une discussion que j’ai eu avec mon grand-frère libanais (Freddy, t’es là?) qui me racontait que, quand il était ado et qu’il allait dans les quartiers musulmans de Beyrouth, il ne croisait pas une seule femme voilée. Idem avec ce directeur du cinéma Colisée à Hamra qui racontait les années 60, les filles en minijupes, la douceur de vivre… Revois ce prodigieux discours d’Abdel Nasser (dois-je mettre un lien Wikipedia ou ça va?) dans les années 50, qui pouffait à l’idée que l’on puisse voiler les femmes dans la rue parce que le leader des Frères musulmans le réclamait. Mais qu’est-il arrivé au monde arabe pour faire autant de choix foireux depuis 60 ans? Je me le demande. Mais aujourd’hui, dans ce même monde arabe, je vois aussi des femmes qui se battent pour leur liberté, leur sexualité, pour se rapprocher d’une éventuelle égalité de droits entre hommes et femmes, pour que les hommes cessent de tout leur imposer, à commencer par ce fichu voile, sans parler des statuts personnels… Je l’ai vue, moi, cette Egypte qui fait aujourd’hui froid dans le dos, ces Egyptiens incapables de regarder une femme sans voir en elles un morceau de viande. Il faut prendre le problème dans l’autre sens: il ne faut pas cacher les femmes, il faut rendre la vue aux hommes. Ces hommes aveuglés et écervelés depuis trop longtemps à cause de religieux qui, comme le soulignait si bien le dessin de Luz ci-dessous, sont tous d’accord sur l’essentiel. Du coup, à 3000km de là, dans cette France qui nous a vu naître toi et moi, ça me rend dingue de voir qu’on puisse justifier l’injustifiable. Surtout à 20 ans. Surtout à cet âge où l’on est censé se rebeller et vouloir changer le monde. Merde. Merde. Merde. Fait chier.


En fait, il n’y a rien de drôle dans toute cette histoire. Et cela dit beaucoup sur ce pays. Entre les excités de droite et ce communautarisme rétrograde qui se prétend fashion. La laïcité à la française – certes un peu radicale comparée à ses consœurs canadienne et belge – considère que l’Etat doit protéger ceux qui veulent croire – ou ne pas croire – tant que cela reste dans la sphère privée. En fait, moi, quand on ne me fait pas chier, je me contente de joies simples. Je proposerai donc un truc, vraiment très simple et qui irait dans le même sens: que les croix autour du cou, les kippas sur tête, les voiles et autres burkas, les perruques pour ces pauvres épouses de juifs orthodoxes (elles, je les plains vraiment), eh bien… mettez tout ce que vous voulez sur vos têtes, mais chez vous, à la maison, dans la sphère privée. Et pas dehors. Dehors, moi, j’ai envie de voir vos tignasses mesdames. Vous êtes si belles avec.

Voilà ma chère. Tu penseras quand tu auras envie de penser. Paisible. A la fraîche.

En écoutant les infos à la radio ce midi, j’ai juste eu envie de tout envoyer valser. Alors pour la paix entre les peuples, entre les hommes et les femmes de ce pays, je finirai simplement par les paroles d’une chanson de Nick Cave plutôt que celles de Leonard Cohen. Nick, lui, il a vraiment tout compris.

I don’t believe in an interventionist God

But I know, darling, that you do

But if I did I would kneel down and ask Him

Not to intervene when it came to you

Not to touch a hair on your head

To leave you as you are

And if He felt He had to direct you

Then direct you into my arms

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