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Qana, 30 juillet 2006

AVERTISSEMENT Certaines images (cadavres d'enfants) peuvent choquer.


Je vais vous raconter le dimanche 30 juillet 2006.


Il y a 17 ans jour pour jour. Je me souviendrai toute ma vie de ce jour-là. Nous étions à Beyrouth. Tôt le matin, on entend l'info: la petite ville de Qana, au Sud-Liban, a été bombardée pendant la nuit. Avec Nathalie avec qui je réalise nos reportages depuis le début de la guerre, on file d'abord à Saïda par la route de la montagne, les ponts de l'autoroute étant éventrés. À Saïda, nous connaissons des membres de la Défense civile. Une ambulance est prête à partir pour Qana, nous la suivons à 140km/h sur cette route côtière qui ne supporte habituellement pas plus de 80. À tombeau ouvert. Puis nous plongeons vers l'intérieur des terres, sur les routes sinueuses elles aussi constellées de cratères. À Qana, c'est le chaos, les premiers cadavres sont extirpés des décombres.




Qana. Déjà "ville martyre" suite au raid israélien (aux bombes à phosphore) sur un camp où s'était réfugiée la population en avril 1996, Qana sent la mort. Les militaires libanais, les Casques bleus de la FINUL et les habitants font de leur mieux pour retrouver des rescapés dans le mille-feuille de béton des immeubles. Je me souviens très bien de l'endroit et de ses routes en lacets. Le soir-même, les médias israéliens diffuseront des images aériennes montrant un véhicule chargé de missiles, filer en ligne droite avant de se cacher dans un parking souterrain. Une image impossible quand on connait les lieux. La guerre de désinformation est totale. J'hurle devant ma télé.



Nous quittons Qana. L'ambulancier nous dit de le suivre, direction l'hôpital de Tyr, à douze kilomètres. Nous nous garons près d'un camion frigorifique, le secouriste ouvre les portes et me fait "l'honneur" d'être le premier photographe à monter à bord. Il y a d'abord l'odeur, je ne l'oublierai jamais. Et puis l'homme commence à ouvrir les grands sacs plastiques alignés par terre. Je shoote, protégé derrière l'œilleton de l'appareil. Les corps des enfants m'horrifient. Je pense à mes filles. Une minute plus tard, je saute du camion. Je fais quelques pas, m'accroupis contre une voiture et je fonds en larmes. Le chemin du retour jusqu'à Beyrouth est long et silencieux. Avec Nathalie, nous écrivons nos papiers que les rédactions parisiennes attendent. Le soleil se couche sur la capitale libanaise. Another day in paradise.



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