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Vie et mort d’un touriste chinois

Avertissement: cette histoire se termine mal.


Suggestion de décor: Alpes suisses.

Figurants: touristes venus d'Asie, Chinois, Coréens et Japonais principalement.


Ça commence maintenant.


Alors voilà. C'est l'histoire d'un mec venu s'en mettre plein les yeux avec les beaux paysages des Alpes, dans le sud de la Suisse. En avril dernier, il a vu un clip sur YouTube, ça avait l'air trop beau. Un peu perdu entre les hauteurs de Zermatt et celles de Grindelwald, il ne sait plus où poser son regard. Il se dit qu'il aurait dû vider la mémoire de son smartphone. Il faut vite faire de la place. Depuis ce matin, il se dit que quelque chose d'exceptionnel l'attend aujourd'hui, alors frénétiquement, il "delete". C'est bon, tout est prêt pour le D-Day.


Comme tous les spécimens de son espèce, le touriste s'achète un ticket pour monter tout en haut de la montagne. Sur TripAdvisor, il avait lu la veille qu'il s'agissait du train à crémaillère le plus haut d'Europe. Un truc sympa à raconter aux copains en rentrant. En plus, ce n'est pas tout confort, c'est vraiment l'aventure.

Ça y est, il y est lui aussi. Tout en haut de cette incroyable montagne qu'il avait vu sur Google Images. Il est à près de 10000km de chez lui, mais il se sent comme à la maison. Où qu'il regarde, ils sont tous là, comme lui. En mode "bâton à selfie" devant le Matterhorn pour immortaliser le moment.


Photo sur Insta, c'est obligé. Comme dit la chanson.

Armés d'un téléphone ou d'un iPad, ils sont partout. Blasée, la vache des hauts alpages rejoint elle aussi l'album photo des vacances familiales. Allez hop, photo sur Facebook pour la grand-mère.


Ah merde, la mémoire du Samsung sature. Chacun planté sur son téléphone, le touriste et sa femme font défiler les photos qu'ils viennent de faire pour les envoyer à leurs proches restés au pays. Ni vu ni connu, ils foutent aussi à la poubelle celles du double menton de chéri(e). Ah tiens, autant en profiter pour checker les mails, on ne sait jamais.

Bon, c'est l'heure de retrouver sa chambre d'hôtel à la station, quelques centaines de mètres plus bas. Le touriste entame la descente, les yeux toujours perdus dans son écran.


Quand soudain, c'est le drame.


Le pied droit du touriste ripe sur quelques petits cailloux, sa cheville se vrille. Il tombe, sa tête fait "pok" sur le sol trop dur. Ses coreligionnaires l'entourent, un peu intrigués. Ils prennent la scène en photo. Les secours arrivent en hélico, mais il est déjà trop tard. Sur le champ, le touriste agonisant rejoint Twitter.

A 3000m d'altitude, ne trouvant plus assez d'oxygène, le touriste rend son dernier souffle. Clap de fin pour lui.

En sa mémoire, ses semblables érigent un petit monticule de cailloux. Trop stylé. Story directe sur Snap. Sans oublier la petite phrase surimprimée, bien sentie et personnalisée. "R.I.P. my friend". La langue de chien, ça ferait peut-être un peu too much.


Bon, la nuit va tomber dans une heure ou deux. L'histoire touche donc à sa fin. L'estomac gargouillant, les touristes repartent tous. Il est temps de regagner les chalets en contrebas et d'aller manger dans un resto. Chinois. Il n'y a plus que ça dans les stations de toute façon.


 

Toutes les photographies de cette série dans le reportage photo Vie et mort d'un touriste chinois.

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