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C’est (encore et toujours le même) Beyrouth



Grosse flemme, manque d'ambition, complaisance coupable, copinage inscrit dans l'ADN, peur du risque, je ne sais plus vraiment pour quelle(s) raison(s) les expos photo consacrées à Beyrouth sont si souvent décevantes. C'est probablement un cocktail de tous ces ingrédients. Mercredi soir, attiré par l'affiche de la manifestation (série photo de Vianney Le Caer), je me suis coltiné la foule du vernissage de l'exposition C'est Beyrouth, organisée à l'Institut des cultures d'islam, dans le 18e à Paris. Soit dit en passant, je me demande quel hurluberlu a eu l'idée saugrenue d'organiser cet événement dans cet endroit glauquissime, mais bon. Les arguments du mec de la mairie de Paris, au micro, étaient vraiment tordants.


Bon, soyons juste: l'événement complet dure jusqu'au 28 juillet 2019 et la programmation semble vraiment top. Les visiteurs pourront suivre des conférences (sujets intéressants, regardez le programme), revoir des films de fiction (Tombé du ciel de Wissam Charaf, Petites guerres de Maroun Baghdadi, West Beyrouth de Ziad Doueiri, un cycle sur Youssef Chahine au Liban, etc), découvrir des documentaires (deux projos sur la cinéaste Jocelyne Saab disparue l'an dernier) ou des docu-fictions (Le cèdre et l'acier de Valérie Vincent, etc), suivre des cours de cuisine, assister à des spectacles (voir le danseur Alex Paulikevitch pour celles et ceux qui ne connaissent pas)... Il y en aura pour tous les goûts, et c'est très bien comme ça.


Et puis il y a donc cette expo photo censée (a priori) être le pilier central de la manifestation.


Et là, ô désespoir, vous ne découvrirez rien que vous ne connaissez déjà. Ou presque. C'est d'une tristesse sans borne, à la limite de l'arnaque. D'autant plus que, dans le catalogue officiel, le commissaire de l'expo Sabyl Ghoussoub (j'avoue, je ne le connaissais pas) prend bien la peine de nous promettre "des regards inédits sur Beyrouth". Sérieusement? Allo?


Attendez deux secondes, je vais chercher mon bon vieux Larousse.


"Inédit: œuvres ou ensemble d'œuvres non publiés; ce qui est entièrement nouveau." C'est toujours utile les dictionnaires. C'est comme pour le mot "milice". Bref.


Je sais qu'il est toujours de bon ton de dire que tous les événements, les films, les livres ou les expos sur le Liban et sur Beyrouth sont formidables (j'ai longtemps fait ça moi aussi), à grands coups de "iiiiiii, chérrrri, c'est magnifique!!!". Je sais bien qu'il faut toujours caresser tout le monde dans le sens de la moumoute comme les journaux libanais savent si bien le faire dans leurs pages culturelles parce que c'est la seule politique de survie valable quand on habite là-bas. Mais là...


Moi, quand on me vend de l'inédit, j'attends candidement des séries photographiques jamais montrées. En résumé, des trouvailles. Bêtement, j'imagine toujours tomber sur de nouvelles pépites. Je frémis à l'idée d'être surpris. Je crois que, forcément, les commissaires d'expo ont dû prendre le temps de faire leur boulot. Mais là, patatras, comme c'est trop souvent le cas, cette expo regroupe des images déjà vues, soit par leur répétition graphique ou leur banalité éditoriale dans la catégorie misérabiliste, soit parce qu'elles datent d'il y a déjà quelques années et que le public les connaît déjà car elles ont été exposées par le passé ou ont fait l'objet de livres. En tant que simple visiteur, j'ai légèrement eu l'impression d'être pris pour une quiche. Mais je ne m'en fais pas pour les organisateurs, je suis sûr qu'il y a eu plein de gens hier soir pour crier au génie. Genre "iiiiiii, chérrrri, c'est magnifique!!!". Tfeh.


Cette impression de déjà vu est terrible. Parce que finalement, elle semble surtout signifier qu'il n'y a rien de neuf sous le soleil de Beyrouth, ou que plus personne ne se donne vraiment la peine de chercher. Je sais ce que c'est de chercher des nouveaux noms, j'ai fait ça pendant trois ans, entre 2011 et 2014. C'est long et compliqué. Des photographes beyrouthins talentueux, il y en a, la plupart restant malheureusement sous les radars. Si bien que, systématiquement, d'expo en expo, on retrouve toujours les mêmes zones de confort, toujours les mêmes noms. Et parfois ceux de photographes qui n'ont plus rien à dire dans leur travail. C'est juste un constat, pas une aigreur de ma part. Je ne suis pas le seul à avoir constaté ce même vide mercredi soir, et ce ne sont pas trois télés allumées en guise d'installations vidéo qui changeront la donne. Mais voilà, la plupart du temps, on préfère se la boucler devant l'allégresse générale, car il n'est plus possible d'émettre une quelconque critique sur ce qui vient de Beyrouth, sous peine d'être taxé d'horrible collabo du défaitisme. Un peu comme dire que Capharnaüm ne fait pas pipi loin, que ce n'est qu'un film culpabilisateur pour tantes d'Achrafieh, réussissant le tour de force d'être moralisateur et immoral en même temps, et surtout con et mal fichu: bref, cela ne se fait pas.


Toutes proportions gardées, c'est aussi comme le très beau livre sorti chez Kaph l'an dernier, Sur la photographie au Liban, sous la direction de Clémence Cottard Hachem. Objet magnifique (qui coûte deux couilles, voire trois, à quoi bon pour le commun des mortels?), contenu souvent instructif c'est vrai faut bien le reconnaître, mais exercice sans surprise. Encore et toujours les mêmes noms, les mêmes cliques, au générique.


N'y a-t-il plus personne pour se sortir les doigts du cul et partir en "défrichage"? Toz.


 

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