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Trahir Tahrir



J’ai comme l’impression que c’est sans espoir. Mon dernier voyage en Egypte remonte à 2011. Déjà sept ans. J’étais parti là-bas pour couvrir les manifestations place Tahrir et les élections législatives du mois de novembre. J’étais resté là-bas une semaine, à manger cet immonde kochari dans des bouis-bouis ou en version Bolino, à prendre en pleine face ces vagues humaines, à écouter cette soif de liberté. Il y avait quelque chose de magnifique dans cette expression populaire. Quelque chose de complètement grisant.

En relisant ce matin l’un des articles que j’avais écrits à l'époque, je suis retombé sur cette phrase, sortie de la bouche de l’un des manifestants: «Nous aimons notre armée, mais les militaires doivent quitter le pouvoir pour le bien du pays.» J’avais même titré cet article: L’Egypte file vers ses premières élections libres depuis 5000 ans. Il y avait de l’espoir. Espoir trahi, comme trop souvent dans le monde arabe. Pour ces législatives, les bureaux de vote étaient alors surréalistes. Les Egyptiens, pour la plupart analphabètes, devaient voter pour des candidats représentés par des cliparts: ballon de foot, pipe, raquette de tennis, fleur… Chaque candidat avait son pictogramme. Tiens, allez la famille, tout le monde met le bulletin avec la fourchette, parce que notre candidat, c'est Monsieur Fourchette. Il n’y avait rien de démocratique dans ces élections. Mais c’était beau quand même.

Ils avaient donc réussi à virer Moubarak, ils ont élu Morsi. Ils ont viré Morsi, Sissi est devenu empereur. Je me demande franchement quel est le pire des trois. En arrivant au Caire en 2011, j’avais fait comme tous les reporters, j’étais allé demander une accréditation dans le building cradingue du ministère de l’Information, avec son immense salle informatique où il y avait des dizaines d’écrans noirs, sans unités centrales. C’était pathétique. On récupérait notre sésame après quelques heures de patience. Aujourd’hui, c’est terminé. Aucun journaliste n’a le droit de travailler en Egypte. L’armée, déjà propriétaire de l’économie du pays, a tout raflé. C’est juste une dictature de plus, mais une dictature qui rassure les chancelleries occidentales. Il n’y a qu’à voir l’accueil réservé à Sissi par Macron il y a quelques mois. Cette realpolitik est à vomir.

Je n’ai jamais aimé Le Caire. La ville est trop grande. Trop imprévisible. Trop sale. Je n’y ai pas les amitiés que je peux avoir à Beyrouth par exemple. Mais je connais des gens qui aiment ce pays et ses habitants. Je sais que cela doit être dur pour eux de voir combien l’Egypte s’est enfoncée dans cette misère. Les islamistes ont trahi Tahrir. Les militaires ont fini le travail. Ya haram.

Retrouvez là mes archives de presse écrite, les quelques articles réalisés au Caire pour le quotidien 20 Minutes.

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